Plusieurs connaissent les faits majeurs qui mènent à l’indépendance des Treize colonies et, peu après, à la création des États-Unis. Saviez-vous que ce conflit a également touché le Haut-Richelieu et plus particulièrement Saint-Jean, qui y a joué un rôle déterminant ?

D’abord, replaçons-nous en contexte. La guerre de Sept Ans s’est terminée en 1763 avec le Traité de Paris et la Proclamation royale qui cèdent la Nouvelle-France aux Britanniques. Voyant l’agitation dans les Treize colonies, la Grande-Bretagne  publie l’Acte de Québec en 1774. Cet acte accorde des privilèges aux Canadiens français et tente d’assurer leur fidélité advenant le déclenchement d’un conflit au sud. Le droit civil français demeure en fonction et on tolère la religion catholique, entre autres. À l’opposé, les colonies sont de plus en plus taxées. Ainsi commence donc la révolution américaine.

L’objectif premier des rebelles est de chasser l’occupant britannique de l’Amérique du Nord, incluant du Québec. Ils remontent donc la rivière Chaudière et le Richelieu, dans le but de prendre Québec et Montréal. Au début de l’année 1775, ils s’emparent des forts Ticonderoga et Crown Point, en amont de Saint-Jean. Les troupes de l’Américain Richard Montgomery prennent ensuite l’Île-aux-Noix et elles s’en servent comme base d’opération pour la conquête de Montréal.

Cependant, le fort Saint-Jean se dresse comme un obstacle sur leur chemin. À la mi-septembre 1775, les hommes de Montgomery établissent progressivement un siège autour du fort. Près de 500 Britanniques y sont installés, avec femme et enfants réfugiés du village. Ces derniers offrent une résistance exemplaire, malgré les nombreuses attaques de l’ennemi. Les troupes américaines n’ont pas prévu être ainsi ralenties à Saint-Jean. Le 18 octobre, les rebelles réussissent à prendre le fort Chambly. Ce dernier approvisionne le fort Saint-Jean en munitions et en nourriture. La famine guette les assiégés.

Le siège se termine avec la reddition des Britanniques le 2 novembre 1775. Les Américains poursuivent leur route jusqu’à Montréal, qui capitule le 13 novembre. Ils rejoignent ensuite les troupes de Benedict Arnold à Québec à la mi-décembre.

La bataille de Québec a lieu le 31 décembre 1775, alors que les troupes américaines souffrent des températures froides. Aussi, les effectifs sont déjà réduits à cause d’un ennemi invisible: la petite vérole. Des milliers d’Américains font marche arrière jusqu’à la base de l’Île-aux-Noix pour se faire soigner.

Durant la bataille, Montgomery trouve la mort et les Américains essuient une cuisante défaite. Ils installent quand même un blocus autour de la ville, jusqu’au printemps. Or, avec la chaleur arrive aussi des renforts britanniques. Les Américains doivent plier bagage et sont repoussés vers la mi-juin.

Entre temps, les rebelles envoient Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll, des figures connues de la révolution, pour tenter de convaincre les Canadiens français de soutenir leur cause. Ils sont de passage au fort Saint-Jean le 28 avril 1776, dans leur trajet jusqu’au château Ramezay, à Montréal, qui sert de base aux Américains. Leur mission est un échec.

Finalement, la Déclaration d’indépendance américaine est signée le 4 juillet 1776 par les révolutionnaires, mais la guerre ne se termine qu’en 1783, avec la reconnaissance de cette indépendance par la Grande-Bretagne.

Après le départ des troupes américaines, les Britanniques restaurent le fort Saint-Jean et augmentent sa flotte. Les fortifications sont reconstruites sur l’Île-aux-Noix, dans la crainte d’une nouvelle attaque. La région est sous haute tension jusqu’en 1783.

L’invasion a prouvé la faiblesse des frontières. C’est donc à cette époque que la décision est prise de construire un blockhaus près de la rivière Lacolle, pour réagir plus rapidement en cas d’invasion. Une fois l’indépendance américaine proclamée, ce sont plus de 40 000 loyalistes qui s’installent au Québec et en Nouvelle-Écosse pour demeurer des sujets britanniques.

Le siège du fort Saint-Jean, d’une durée de 45 jours, a considérablement ralenti les troupes américaines en route vers Québec. C’est donc dire que la résistance de nos ancêtres a contribué à sauver Québec d’une conquête américaine. Un événement souvent négligé, ou même complètement passé sous silence, mais dont les Johannais peuvent être fiers!

Un merci tout spécial à Vincent O’Neil, coordonnateur au Musée du Fort Saint-Jean, pour sa collaboration et sa relecture de cette chronique.