L’histoire judiciaire a de tout temps fasciné le peuple. Haut lieu de la justice dans la région, le palais de justice de Saint-Jean-sur-Richelieu est construit à partir de 1859, sur la rue Saint-Charles. Son édification fait suite à la décentralisation du système judiciaire dans le Bas-Canada par George-Étienne Cartier et la création du district de Saint-Jean d’Iberville. Cette chronique souligne le 160e anniversaire de sa construction, alors que l’inauguration a lieu 2 ans plus tard.

C’est l’architecte des travaux publics, Frederick Preston Rubidge, qui réalise les travaux. Le bâtiment de pierres de deux étages, de style néo-classique, apparaît peu à peu dans le paysage johannais. Il s’agit encore aujourd’hui des matériaux et des fenêtres d’origine! Une prison provinciale occupe une aile du bâtiment, qui s’articule autour de deux cours intérieures. Dans l’une d’elle, on retrouve la potence. Peu de gens savent que Saint-Jean a déjà été le théâtre de trois pendaisons publiques dans son histoire.

Jusqu’à ce que mort s’en suive…

La première est celle de Cyprien Costafrola, le 13 décembre 1878. Il est accusé du meurtre de Mathew Mathevon à Lacolle.

La deuxième peine de pendaison concerne Dolar Lépine, dit Renaud, âgé de 21 ans. Il est pendu le 24 novembre 1916 pour le meurtre d’Albert Wing durant un vol à main armée commis à L’Acadie.

Finalement, le passage sur l’échafaud d’Harry Frazer, le 16 juin 1922, clôt ce sombre chapitre. Cet Américain est condamné pour le meurtre de Joseph-Hubert Senécal durant un vol à main armée à Lacolle. En effet, alors que Senécal longeait la frontière avec son chargement d’alcool, en pleine prohibition aux États-Unis, il se fait attaqué. Ce dernier réussit à s’enfuir, mais ce n’est qu’une fois en lieu sûr qu’il constate l’étendu de ses blessures et en décède le lendemain. Le mois suivant, deux hommes sont arrêtés en lien avec ce meurtre, mais Laventure de Champlain, complice de Frazer, est acquitté.

Ce Frazer était bien connu de ceux qui fréquentaient la frontière durant cette période. Avec ses hommes, il essayait fréquemment de voler des cargaisons d’alcool aux bootleggers de la région. Il s’en est même pris au célèbre Conrad Labelle ! Après lui avoir dérobé 80 caisses de champagne, les hommes de Conrad Labelle ont vite débarqué pour récupérer leur marchandises après un long échange de coups de feu. Il paraît que Conrad Labelle en personne a assisté à la pendaison de ce cher Frazer.

Plus récemment

La prison est finalement détruite lors d’une phase d’agrandissement du palais de justice. Félix-Gabriel Marchand a d’ailleurs travaillé, à titre de député de Saint-Jean, à amasser des fonds pour la rénovation du palais de justice dans les années 1880. Marchand cède le terrain derrière le palais de justice à la Ville en 1887, qui le nomme parc Marchand en son honneur en 1906.

Saviez-vous que le sous-sol de la station de pompe, partie du Musée qui donne sur la rue Longueuil, a déjà hébergé des prisonniers ? Alors qu’elle est construite pour servir de caserne aux pompiers après le grand feu de 1876, ceux-ci partagent l’espace avec le poste de police en 1911. À cette occasion, quelques cellules sont aménagées au sous-sol, où les prisonniers passent la nuit dans l’attente de leur jugement. Les cellules y sont toujours mais, pour des raisons de sécurité, elles ne sont malheureusement pas accessibles au public.