Nous l’avons vu dans les journaux récemment, la maison Ephraïm-Mott, située au 138, rue Jacques-Cartier Nord, est en vente. Nous avions envie, pour cette occasion, de retracer l’histoire de cette influente famille de Saint-Jean.

Le premier Mott pouvant être relié à l’histoire johannaise est Samuel Mott, vivant au Vermont. Durant la guerre d’Indépendance américaine, il reste fidèle à la couronne britannique. Pour le remercier de sa loyauté, la Grande-Bretagne lui donne une terre, située dans la Province of Quebec.

Son fils, Ephraïm Mott (1774-1852), vient s’établir dans la région en 1788. Il s’illustre rapidement dans la vie économique et sociale de Saint-Jean. Il inaugure, entre autres, l’Hôtel Mott à l’angle sud-est des rue Front (Richelieu) et Partition (Saint-Georges). La ville de Saint-Jean est alors en plein essor, ce qui permet à Ephraïm Mott de s’impliquer dans le commerce avec les États-Unis. De plus, il met en place le premier service de traversier entre Saint-Jean et Iberville en 1797, à la hauteur de l’actuelle rue Frontenac. Auparavant, il fallait attendre les ponts de glace l’hiver pour effectuer la traversée. Or, avec le développement d’Iberville, une structure permanente est construite entre les deux rives en 1826; le pont Jones. Cela met fin aux activités du traversier Mott.

Les Mott de Saint-Jean font partie de l’élite protestante anglophone. Ils partagent cette place avec les Pierce, qui contribuent à la mise en place du premier chemin de fer canadien, et les frères Marchand, qui ont presque tous épousé une anglophone. Ces familles financent d’ailleurs la construction de l’église Saint-James, et on trouve tous ces patronymes dans le cimetière situé tout près.

En 1841, les Mott se font construire une résidence à proximité de l’église, sur la rue alors nommée Busby (Jacques-Cartier Nord). La maison, de style néoclassique, a été rénovée à de nombreuses occasions depuis. Séparée en deux logis, elle redevient unifamiliale après d’importants travaux en 2010. On trouve maintenant un grand garage annexé à la demeure. Quelques éléments sont par ailleurs originaux, comme les calorifères en fonte. Les travailleurs ont fait la découverte, lors de ces mêmes travaux, d’un four à pain en briques, désormais parfaitement intégré au design de la cuisine. Cette maison est décidément un joyau architectural et historique!

Ce n’est pas uniquement pour cela qu’elle a de la valeur. Il nous faut parler de la troisième génération de Mott. Ainsi, Nelson Mott (1801-1870), fils d’Ephraïm, est également connu dans l’histoire de Saint-Jean. Il suit d’abord les traces de son paternel en s’impliquant dans le commerce américain, puis en développant ses propres affaires au sein de la Cité de Saint-Jean. En 1827, il tient avec deux de ses beaux-frères un magasin général sur la rue Front (Richelieu). Cet endroit sert également de bureau de poste et de relais pour les diligences. En plus d’avoir repris l’hôtel, Mott possède de nombreux immeubles dans la ville. Il s’associe avec son beau-frère Curtis Pattee pour faire du commerce puis, après le décès accidentel de ce dernier, avec le frère de son épouse, William Alexander Osgood. Ses affaires sont très prolifiques.

En 1848, Nelson Mott, avec d’autres notables de Saint-Jean, se mobilise pour l’incorporation du village de Saint-Jean en municipalité. Ils obtiennent gain de cause et c’est ainsi que, lors de la première assemblée tenue en août 1848, Nelson Mott est élu au titre de premier maire de la municipalité de Saint-Jean. Les séances du conseil ont lieu au bureau du notaire Jobson, au coin nord-est des rues McCumming (Champlain) et James (Saint-Jacques). On peut désigner cet endroit comme le premier hôtel de ville de Saint-Jean. C’est dans les premières années de l’organisation municipale que de nombreux comités, dont plusieurs sont toujours actifs aujourd’hui, sont mis en place sous l’influence du maire Mott. On note, par exemple, un comité des finances, un sur la gestion du marché public, un comité des incendies, un de police et de santé, puis un sur les chemins et les rues.

Ainsi, la famille Mott laisse sa trace dans l’histoire sociale, économique et politique de la ville de Saint-Jean à ses premiers balbutiements. La maison Ephraïm-Mott est porteuse de ce riche héritage et est l’une des rares traces matérielles du passage de cette famille pionnière. Une rue du quartier Saint-Gérard rend également hommage à Nelson Mott. Espérons que les acheteurs de cette demeure plus que centenaire seront conscients de tout le patrimoine dont elle est porteuse et qu’ils préserveront l’esprit du lieu.