À l’occasion du mois de l’histoire des femmes, découvrez le parcours hors du commun d’Henriette Feller, qui crée la première communauté protestante francophone en Amérique du Nord.

Henriette Odin est née en Suisse le 22 avril 1800. Elle se marie à Louis Feller en 1822. En cinq ans, elle assiste à la mort de sa fillette, de son mari, de sa sœur et de sa mère. Ces durs coups l’amènent à se convertir au protestantisme et à dédier sa vie à l’évangélisation.

C’est avec cet objectif qu’elle s’embarque pour l’Amérique en 1835. Une veuve ne pouvant voyager seule, le pasteur Louis Roussy l’accompagne dans son périple. S’établissant d’abord à Montréal, elle doit sans cesse se déplacer car elle est chaque fois dénoncée au clergé catholique. Elle finit par s’établir à Grande-Ligne (aujourd’hui Saint-Blaise), car cette terre est peu colonisée et loin de l’influence du clergé de Saint-Jean. Le secteur ne possède alors ni école ni médecin, ce qui leur donne une porte d’entrée chez les gens. En effet, Henriette Feller possède quelques connaissances médicales et offre des cours de lecture de la Bible. C’est ainsi que prend naissance la Mission de Grande-Ligne.

Les débuts sont plutôt difficiles. C’est avec la conversion de madame Lord (ou Lore) et de son gendre Jean-Baptiste Lévesque que la Mission grandit en popularité. Lévesque laisse Henriette Feller utiliser son grenier pour dispenser ses cours. Elle reçoit les enfants le jour et les adultes le soir. L’objectif de la lecture de la Bible est bien sûr l’évangélisation selon le protestantisme, qui prône l’accès aux textes bibliques pour tous.

La Mission de Grande-Ligne n’est pas au bout de ses peines. Le secteur est peuplé de fervents patriotes, qui sont catholiques. Au début des rébellions, Henriette Feller et les convertis sont traités d’hérétiques et victimes de charivaris car ils ne veulent pas participer aux combats. Les chevaux sont attaqués, les jardins sont détruits, les maisons sont pillées, puis incendiées. Dans le but de se protéger, Henriette Feller et une cinquantaine de protestants partent en exil aux États-Unis en 1838, dans la région de Rouses Point, le temps que les choses se calment. Ils reviennent deux mois plus tard, puis abandonnent les poursuites envers ceux qui avaient détruit leurs avoirs. C’est à partir de ce moment qu’ils seront davantage tolérés. D’ailleurs, en 1841, le chef patriote Cyrille-Hector-Octave Côté se convertit, après les enseignements d’Henriette Feller. Il prêchera durant le reste de sa vie pour cette religion.

En 1840, Henriette Feller fait construire un tout nouvel édifice de trois étages pour y accueillir la Mission. Une ferme y est jointe. Elle produit assez pour subvenir aux besoins des résidents, et même plus. Le bâtiment sera agrandi en 1890, puis en 1902, pour répondre à sa popularité croissante.

Henriette Feller, qui a toujours eu une santé fragile, est victime de paralysie en 1865. Dès ce moment, elle gère la Mission de sa chambre, dont elle ne sort que peu. Elle décède en 1868 et est inhumée au cimetière protestant de Grande-Ligne.

En 1876, l’école devient l’institut Feller. Il dispense l’enseignement secondaire à ses pensionnaires. Des jeunes viennent des États-Unis pour y apprendre le français. En 1882 est érigée l’église Roussy Memorial, près du cimetière protestant, en l’honneur du pasteur Louis Roussy qui a accompagné Henriette Feller durant sa vie. Cette mobilisation de protestants inquiète les catholiques. Ceux-ci se regroupent et fonde la paroisse de Saint-Blaise en 1889 en réaction à ce mouvement d’évangélisation. On trouve, de nos jours, une exposition extérieure devant le Roussy Memorial. Nommé la Place Feller, cet endroit propose une expo-jeu comme outil d’interprétation et lieu de mémoire.

Le Musée Feller est aménagé dans la maison des Lévesque, sur la rue principale de Saint-Blaise-sur-Richelieu, depuis 1973. Installée plus récemment, on trouve devant cette maison la Place Grande-Ligne, une exposition extérieure qui retrace les moments marquants de l’institut Feller, de ses débuts jusqu’au grand incendie de 1968, en passant par son utilisation comme camp pour prisonniers allemands durant la Deuxième Guerre mondiale.

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